Affronter les faiblesses avec lucidité
La France a des faiblesses qu’il nous faut affronter avec lucidité et détermination. Avec une natalité élevée et une contribution à la croissance de la population européenne, l’un des atouts de la France est sa démographie4 . La population française est jeune. Pourtant, l’épanouissement social de la jeunesse dans notre pays est difficile, comme en témoignent le taux de chômage ou le niveau de pauvreté. Le déclassement donne le sentiment d’une injustice, en poussant de plus en plus à faire des études supérieures sans en avoir les mêmes bénéfices que les générations précé- dentes en termes de position sociale. À tel point que les jeunes générations en viennent à se poser la question : pourquoi, dans ces conditions, s’engager dans des études supérieures? Les risques de conflits de générations sont forts, les plus âgés bénéficiant pour certains d’une position sociale plus enviable que celle dans laquelle les plus jeunes se projettent. Dans l’enquête « Génération quoi », 46% des 18-30 ans ayant répondu au questionnaire ont estimé que leur vie serait plutôt pire que celle de leurs parents, contre 26% qu’elle serait « plutôt meilleure ». Le système éducatif, malgré la qualité du corps enseignant, est fortement reproducteur d’inégalités. L’enquête PISA a montré que les résultats des jeunes élèves de France sont loin de nos attentes et se sont dégradés récemment, et surtout que la proportion d’élèves en difficulté y est plus forte que dans de nombreux autres pays. Cela handicape fortement notre capacité à former et diplômer davantage de jeunes, d’autant plus que la répartition entre les trois filières de baccalauréat fragilise la poursuite d’études. La proportion de bacheliers généraux dans une classe d’âge est aujourd’hui inférieure à celle d’il y a vingt ans, et il en est de même pour les bacheliers technologiques. Le nombre de bacheliers professionnels a quant à lui doublé, permettant de se rapprocher de l’objectif de 80% d’une génération diplômés du baccalauréat et ouvrant une nouvelle voie à la poursuite d’études, mais avec des chances de réussite faibles car les bacheliers professionnels sont trop souvent orientés par défaut vers les filières généralistes faute de places suffisantes pour eux dans les formations professionnelles qui leur offriraient des chances de succès bien supérieures. Depuis une dizaine d’années, l’accès aux études supérieures s’est ralenti, et la réussite stagne. La France reste ainsi un pays élitiste, peinant à pousser sa jeunesse, le plus largement possible, vers le meilleur niveau d’éducation. La récente loi de refondation de l’École s’attaque, à son tour et après d’autres, à ce fléau, mais les effets ne pourront être immédiats. Autre difficulté, la culture traditionnelle impose des parcours stéréotypés de formation : il faut faire ses études tout de suite après le baccalauréat, car après il devient très difficile d’accéder au diplôme. Cela conduit à une pression très forte sur les jeunes, pression contreproductive car ceux qui sont incertains de leurs motivations sont confrontés à l’échec, et en subissent souvent les conséquences pendant toute leur vie. L’orientation est insuffisante, souvent défaillante et confrontée à une déviance du système, à tel point qu’il a fallu introduire des quotas dans la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche pour favoriser l’accès des bacheliers technologiques aux IUT et des bacheliers professionnels aux STS, formations dans lesquelles ils ont les meilleures chances de réussite. La poursuite d’études dans les universités est en baisse, et des filières comme les sciences exactes ont vu leurs effectifs fortement baisser (même si les effectifs de la rentrée 2014 sont en progression), mettant en danger la survie même de certaines disciplines. Du côté des acteurs de l’enseignement supérieur, l’empilement des structures et la multiplication des institutions qui participent au pilotage conduisent souvent à des stratégies éclatées. La formation des enseignants du supérieur est presque inexistante. L’innovation pédagogique est peu valorisée, et surtout le plus souvent effectuée sans qu’un processus de capitalisation des expériences, aux fins de diffusion de celles qui ont réussi, ne soit mis en œuvre. Tout cela conduit à un risque de démotivation des enseignants du supérieur. Enfin, l’incertitude sur les conditions financières est une entrave au développement des initiatives pédagogiques et à l’engagement de toute la communauté dans un projet sociétal pour sa jeunesse. Dans ces conditions, il nous faut nous adapter pour préparer l’avenir et permettre à la France de développer ses atouts et dépasser ses faiblesses.
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