Les mutations de l’univers des jeux vidéo, remise en cause de l’organisation en silo du marché sur le segment des consoles ?
Le premier concept de jeu vidéo, appelé le jeu de Nim, est apparu au début des années 1950 dans une version disponible sur l’ordinateur Nimrod. Ce n’est qu’au début des années 1970 que les premières consoles de salon ont vu le jour, avec l’apparition de la console Odyssey. Depuis, les générations de consoles se sont enchaînées. Les consoles de salon se distinguent des ordinateurs et autres PC par le faible nombre de fabricants. Jusqu’à la fin des années 1990, de nombreux constructeurs de consoles de jeux coexistaient (Sega, Atari, Nintendo, Sony, etc.), mais le marché des consoles de jeux s’est concentré, depuis le début des années 2000 et parallèlement à l’arrivée de la Xbox, autour de trois fabricants majeurs : Microsoft, Nintendo et Sony. À la différence des PC où les jeux vidéo étaient en général compatibles avec tous les ordinateurs, les jeux sur console étaient bien souvent développés pour des équipements spécifiques. Ainsi, les éditeurs de jeux devaient choisir entre les trois plateformes principales, qui appartenaient à des sociétés elles-mêmes éditrices de jeux vidéo. Le modèle prédominant était le modèle propriétaire, avec des jeux proposés sur des supports physiques différents (cartouches, CDROM, mini DVD, DVD, Blu-Ray) et de nombreuses exclusivités liées à une console. Le recours à des supports physiques pour les jeux impliquait une intermédiation par des canaux de distribution physiques. Depuis, le modèle de distribution des jeux vidéo a évolué, avec une remise en cause partielle de la distribution en silos des contenus et un changement des conditions d’accès aux jeux pour les utilisateurs. D’abord, parce que le PC est redevenu une alternative aux consoles pour l’accès aux jeux vidéo. Les meilleures performances proposées par un PC de gaming en termes de puissance et de graphisme, associées à l’incorporation d’innovations telles que la réalité virtuelle, ont participé à l’adoption de ces équipements par les gamers. Au-delà de ces caractéristiques techniques, les PC offrent la possibilité d’accéder à des jeux d’une multitude d’éditeurs depuis un seul équipement, ce qui favorise également l’adhésion des joueurs. Avec l’avènement des réseaux à très haut débit, il est devenu possible pour des éditeurs de jeux vidéo de s’auto-éditer dans des magasins d’applications mobiles ou sur des plateformes agrégeant les contenus destinés aux PC comme Steam, ouverte aux développeurs de toutes tailles. Aujourd’hui, si les consoles tirent le marché du jeu vidéo (en 2016, elles représentaient 63 % du chiffre d’affaires en France), le jeu vidéo sur PC représente une part croissante de la valeur (29 % en 2016 après 16 % en 2015). Ensuite, parce que les jeux dématérialisés ont pris le dessus sur les jeux physiques et ont permis d’élargir le panel de jeux accessibles. Les plateformes sont devenues connectées et ont permis aux joueurs d’acheter leurs jeux directement en ligne plutôt qu’en passant par des intermédiaires physiques, contournant les contraintes à l’encontre du retro-gaming par exemple. Le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs indique ainsi que les ventes de jeux vidéo dématérialisés, à fin 2016, représentent une part plus importante, en valeur, que celles des ventes dites « physiques ». Néanmoins, la suppression du support physique n’a pas suffi pour mettre fin au cloisonnement entre consoles. Enfin, parce que la démocratisation des jeux vidéo mobiles a souligné l’engouement des joueurs pour des espaces communautaires. L’arrivée des smartphones et des tablettes, embarquant des processeurs graphiques se rapprochant de plus en plus des consoles, a pu représenter un élément perturbateur dans le marché des jeux vidéo. Les modèles des constructeurs habituels ont été remis en question ; la quasi absence d’exclusivité sur les terminaux mobiles a en effet permis d’offrir la possibilité aux joueurs de jouer ensemble à partir de plateformes différentes. Même si l’univers des consoles de jeux vidéo prédomine et reste organisé en silos, le succès grandissant des PC a permis de limiter l’édition de jeux exclusifs sur les consoles. De même, les fabricants de consoles, sensibles à l’intérêt des joueurs pour des espaces communautaires, ont développé des plateformes mettant les joueurs en relation. Malgré ces évolutions, la compatibilité des jeux reste impossible entre les différentes consoles et même la rétrocompatibilité entre un ancien jeu et une nouvelle console n’est pas toujours assurée, ce qui peut empêcher l’utilisation d’un ancien contenu. De même, le jeu multi-joueurs en ligne, permis par la connectivité des consoles, est principalement disponible pour les joueurs d’une même plateforme, même si certains fabricants comme Nintendo et Microsoft développent des jeux cross-platform. Par exemple, deux adeptes d’un même jeu ne pourront pas jouer en ligne ensemble si l’un utilise une Xbox et l’autre une Playstation ; or cette limite ne semble pas être technique, puisqu’un bug introduit dans le jeu Fortnite a temporairement permis à des joueurs de ces différentes plateformes de jouer en ligne ensemble.
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